FAUST MAGAZINE - #11 RENAISSANCE
octobre 2020

JET D’ENCRE






PEAU NEUVE

Poésie de l’abandon et de la mutation


       
        Il faut parfois atteindre un tournant pour réaliser que l’on avale depuis longtemps les kilomètres d’une route trop droite et lisse. Bercé par l’écho de ses pas, le regard planté sur la pointe des pieds, on n’a pas vu venir le virage.

        On ouvre les yeux sur le paysage. Sans s’en apercevoir, on a changé d’horizon. La route se termine là, en queue de poisson, dans la poussière d’une friche. Il va falloir s’y engouffrer. Une lassitude nous envahit les hanches. L’inconnu entrave cette marche qui nous attend. A peine distingue-t-on entre les branches le départ d’un sentier. On est à coup sûr inadapté…

        Et puis cette peau qui colle ! Séchée par le temps, elle sert au corps de camisole. Et au moindre mouvement, elle se met à craquer comme l’écorce d’un vieux fruit. On remue, on force, on se plie. Notre enveloppe se déchire et puis l’on croit éclore. Un regard en arrière : il faut bien se résoudre encore à délaisser cette mue. Dire qu’on en a été si longtemps revêtu ! Elle est devenue cristalline et minérale. Figée, tordue dans une spirale pour l’éternité.

        Des souvenirs et des débris de paradigmes y restent accrochés. De ces peaux de chagrin, on en a perdues plein, et déjà oubliées. Le corps qui en émerge est fragile, mais allégé. Sa peau est vierge, mouillée comme de l’argile. Son cœur encore ouvert contient les graines d’un destin étonnamment malléable. Il y a un instant à peine, on aurait juré être misérable ! Mais déjà les graines ont germé dans nos mains. Une à une on les sème sur un nouveau chemin. 




Ségolène Girard
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